L’emploi apparaît aujourd’hui clairement comme la question prioritaire pour une majorité de citoyens. Or aucun parti n’apporte aujourd’hui de réponses en mesure d’enrayer l’explosion du chômage. En particulier, le secteur public, représentant pourtant 20% de l’emploi, n’est jamais considéré comme un débouché possible, alors que les besoins sont immenses.Au contraire, les suppressions de postes de fonctionnaires continuent à être présentées comme un remède au déficit public, ignorant les conséquences sur l’emploi. Pourtant, certains économistes considèrent que l’Etat pourrait être employeur en dernier ressort, assurant ainsi une garantie de l’emploi.
Le PG lui même reste très défensif sur cette question, ne présentant jamais la création d’emplois publics comme une solution au moins partielle au problème du chômage et se contentant de compenser les suppressions de postes menées au cours des dernières années.
Face à ce constat, ce texte, soutenu par plusieurs comités et par des membres de la Commission Economie, avait fait l’objet d’un amendement proposé lors du dernier Congrès de 2013. Il a été rejeté non sur le fond, mais parce qu’il était considéré comme trop programmatique pour un texte de Congrès.
Néanmoins, le programme doit évoluer et être débattu collectivement. C’est pourquoi nous proposons de faire de ce texte une résolution en CN afin de devenir un élément programmatique prioritaire, en le soumettant éventuellement à un vote si, dans cette phase de débats préparatoire, des positions divergentes non réconciliables apparaissaient.
Nous invitons donc les adhérents et les comités à réagir à ce texte en le commentant.
Des textes complémentaires sont disponibles sous la rubrique contributions/Politique de l’emploi.
Le développement de l’emploi public, un élément indispensable de la lutte contre le chômage.
Le chômage, qui frappe aujourd’hui 5 millions de personnes, est l’un des fléaux majeurs auxquels notre société est confrontée. Le retour au plein emploi suppose la création de 5 millions de nouveaux emplois. Si nous souhaitons simplement maintenir le taux d’emploi public au niveau actuel (20,4%), cet objectif à lui seul implique la création d’un million d’emplois publics.
Mais ce chiffre doit être considéré comme une limite basse. Entre 2007 et 2017, la population active aura en effet augmenté d’environ 1,3 million d’individus d’après l’INSEE. Au delà de la résorption du chômage, le maintien de la part de l’emploi public dans l’emploi total impliquerait la création de 260 000 nouveaux postes publics sur cette période auxquels il convient d’ajouter les 150000 postes supprimés par le précédent gouvernement entre 2007 et 2017, ce qui conduit au chiffre de 410 000 (150 000 + 260 000) sur la période 2012-2017.
Au total, pour simplement garder la part de l’emploi public dans l’emploi total dans une perspective de retour au plein emploi, il faudrait créer 1,4 millions d’emplois public sur le quinquennat, soit 280 000 postes par an … et cela sans même prendre en compte une transition vers un modèle économique plus tourné vers l’Humain, donc vers plus de santé, d’éducation, de justice, de culture, de grands travaux d’utilité collective (transports, isolation …), bref vers plus de service public.
La France serait-elle sur-administrée ?
C’est en tous les cas ce que cherche à nous faire croire la doxa libérale. Or les comparaisons internationales indiquent plutôt le contraire. La France a un taux d’administration qui la situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec 90 emplois publics pour 1000 habitants, très loin des pays dont le modèle social devrait constituer une source d’inspiration pour un programme progressif. Ainsi, le Danemark, par ailleurs cité en exemple dans le contre-budget pour sa politique fiscale, dispose de 160 emplois publics pour 1000 habitants, tout comme la Norvège, soit 78% de plus que la France !
Si le PG prévoit, comme indiqué dans son contre-budget, une augmentation de 20% des investissements publics, cela devrait se traduire par une augmentation proportionnée de l’emploi public, ce qui correspond à un million d’emplois supplémentaires. Le chiffrage actuel ne peut se comprendre que par un recours massif au partenariat public-privé dont les tares ne sont que trop visibles.
Nous proposons d’inscrire dans le programme du PG la création sur 5 ans de 1 million d’emplois publics nouveaux. Cette revendications est distincte de la mesure de titularisation des 800 000 précaires de la fonction publique qui est sans effet sur le taux d’administration, et d’éventuels transferts au public de services – et d’emplois correspondants – actuellement couverts par le privé : enseignement privé, services de santé privés (cliniques notamment), services à la personne, etc.
La création d’un million d’emploi public menacerait-elle les finances publiques ?
Là encore, cet argument doit être fermement combattu car cette mesure serait, au regard des retombées sociales et économiques qu’elles permettraient, très peu coûteuse. L’Institut Montaigne, think-tank classé à droite, chiffre le coût d’un emploi public à 28 000 € par an, soit 28 Mds pour 1 million d’emplois, et 5,6 Mds par an si on étale ces embauches sur 5 ans. Aucune mesure en faveur de l’emploi dans le secteur privé ne peut être aussi efficace, la création d’emplois publics répondant à des besoins non couverts aujourd’hui (ni par le privé, ni par le public) ayant un impact direct, certain et immédiat sur le chômage. Ce coût n’intègre pas les retours directs d’une telle mesure (augmentation des cotisations sociales, des impôts, économie sur les prestations chômage et RSA), et des effets induits en terme de relance de l’activité économique. La création d’emplois publics augmente ainsi mécaniquement le PIB du montant des salaires versés.
En intégrant ces éléments, le coût réel est vraisemblablement inférieur à 15 Mds par an pour 1 million d’emplois publics créés (voir la contribution sur le chiffrage de cette mesure pour plus de détail). Ce coût apparaît donc minime par rapport aux chiffres avancés par le PG dans le contre-budget (132 milliards de recettes supplémentaires en 2013, 101 Mds de dépenses supplémentaires, et 30 Mds de recettes non affectées).
(Certains suggèrent également d’utiliser la création monétaire pour financer ces emplois).
Des emplois publics de qualité : une mesure bénéficiant à tous les salariés.
Cette mesure serait un élément important de lutte contre la précarité et de politique salariale. Nous proposons de privilégier la création de postes titulaires, et non des emplois aidés comme le fait le Gouvernement (200 000 en 2012). Les postes peuvent être créés dans toutes les catégories (A, B et C) et donc s’adresser à un large panel de formation. En offrant des débouchés nombreux et de qualité aux personnes en recherche d’emploi, cette mesure aurait un impact important dans les négociations salariales dans l’ensemble du secteur salarié.
Un million d’emplois pour répondre à des besoins criants !
Cette mesure est indispensable à l’émergence d’une société plus juste et solidaire, tournée vers l’humain et respectueuse de l’environnement. Elle permettrait de répondre aux besoins sociaux et aux enjeux de la transition énergétique, en créant des postes là où des besoins réels existent. Ceux-ci ne manquent pas ! Pour en citer quelques uns[1] :
- l’Education [2]:
Personne ne conteste aujourd’hui les difficultés auxquelles est confrontée l’Education Nationale. Le manque de moyens humains n’y est pas étranger : la France se situe par exemple au niveau le plus bas de l’OCDE pour le taux d’enseignants par élève en primaire, avec à peine 5 enseignants pour 100 élèves. Or les résultats scolaires et la réduction des inégalités dépendent de ces taux d’encadrement[3].
Rejoindre le taux d’encadrement de la Grèce ou de l’Italie impliquerait de doubler le nombre de postes dans l’école primaire, soit environ 200 000 emplois supplémentaires. La France est également en queue de peloton dans le Supérieur, avec 5 enseignants pour 100 élèves contre 11 en Suède. Là encore, le nombre de créations de postes nécessaires est donc très important (de l’ordre de 100 000 postes supplémentaires, sans commune mesure avec les 5000 postes évoqués dans le contre-budget pour ce secteur). Dans le secondaire, la France se situe à un niveau intermédiaire avec 8 enseignants pour 100 élèves, contre 12 enseignants pour 100 élèves pour le pays les mieux dotés, dont la Suède, soit encore une perspective de 240 000 postes supplémentaires pour atteindre ce niveau haut (480 000 postes d’enseignants aujourd’hui).
Nous ne disposons pas de chiffres permettant des comparaisons internationales pour la maternelle, qui n’existe pas dans tous les pays. Mais le nombre d’enfants par classe est aujourd’hui de près de 26, ce qui est élevé, d’autant plus que les enfants sont accueillis de plus en plus jeunes faute de place en crèche et que le temps journalier passé à l’école augmente (les garderies du matin et de soir sont fréquentées par presque tous les élèves aujourd’hui alors qu’ils étaient une minorité à y aller il y a 15 ans). Et le PG revendique une généralisation de l’accès à l’école à 3 ans, ce qui signifie une nouvelle augmentation des effectifs d’enfants scolarisés. Les besoins sont donc là aussi importants.
- L’accueil extra-scolaire des enfants pourrait également être renforcé.
- La Petite Enfance : aujourd’hui, seuls 11% des 2,2 millions d’enfants de 4 mois à 3 ans ont accès à la crèche ou en halte garderie. Les autres, à l’exception d’une petite minorité gardée par choix par la famille, sont gardés par des nourrices, sous contrats très précaires, ou par la famille faute de solutions alternatives. « 60% des enfants âgés de 4 mois à 2,5 ans sont gardés principalement par l’un des parents », selon la Fondation Copernic. Nous considérons que les nourrices devraient être sous contrat public, au même titre que les enseignants, mais nous ne traitons pas de ce problème de transfert des postes du privé vers le public ici. Outre cette question, de nombreux postes sont simplement manquants dans le secteur de la Petite Enfance. Le PG estime ce nombre à 100 000 dans le contre-budget. Ce chiffre nous semble même largement sous évalué. La Fondation Copernic avançait le chiffre d’un million de places supplémentaires en crèche, soit 150 000 nouveaux emplois (soit 6,7 enfants par adulte, ce qui n’a rien de luxueux !).
- La Dépendance constitue aujourd’hui un réel gisement d’emplois. Une partie des besoins est couverte par des emplois précaires et mal payés de « service à la personne », qu’il faudrait là aussi remplacer par des emplois publics. Et une grande partie n’est tout simplement pas couverte, les personnes dépendantes se retrouvant sans solution. Avec 1,1 million de personnes âgées dépendantes actuellement et des projections en augmentation (1% par an jusqu’en 2040 selon les rapports officiels[4]), ce sont des dizaines voire des centaines de milliers d’emplois potentiels que ce secteur représente.
- La Santé : avec le vieillissement de la population et le développement des techniques de soin, ce secteur est appelé à se développer. Déjà actuellement, les hôpitaux manquent de personnel soignant de manière criante : dans les services de gérontologie, les malades sont souvent mis au lit à 17h30 faute de personnel, personne n’a le temps de leur parler et de les stimuler, certains malades pourtant faibles sont renvoyés chez eux sans accompagnement, les infirmières sont débordées, certains délais d’attente pour un rendez-vous ou un examen sont inacceptables … Nous souhaitons que les postes soient créés dans le secteur public. Si l’on considère les moyens humains au service de la santé (public et privé confondus, personnel administratif et personnel soignant confondus), la France se situe dans la moyenne de l’OCDE avec 50 agents pour 1000 habitants (la moyenne se situant à 54 agents pour 1000 habitants, loin derrière la Norvège qui en compte 104 pour 1000 habitants.
Avec un effectif actuel de 1,1 millions de personnel dans la santé [5], le potentiel de créations de postes est donc de plusieurs centaines de milliers.
- La Justice, aujourd’hui sinistrée : le contre-budget prévoit à raison de multiplier par 4 ses moyens en 5 ans, Il serait logique de prévoir la même augmentation sur les effectifs, soit un potentiel de création de postes de énorme[6]
Par ailleurs, certains nouveaux besoins liés à la transition énergétique vont engendrer un très grand nombre d’emplois, souvent pointés dans le contre-budget : développement des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, grand plan Fret et Ferroutage (la simple réembauche des postes détruits dans la filière Fret est estimé à 20 000, au total, et ce n’est qu’une petite part), des énergies renouvelables, services d’isolation des bâtiments et de travaux visant à baisser la consommation (estimés par l’association Négawatt à plus de 600 000 emplois, dont une large part pourrait être publique), etc.
Nous ne pouvons lister ici l’ensemble des besoins, et cela demanderait un chiffrage plus précis. Mais tous les services publics, ou presque, sont en sous-effectif et des besoins nouveaux existent. Le chiffre de un million de nouveaux emplois publics en 5 ans, à tous niveaux de qualification, n’apparaît en rien surévalué en regard de ces besoins.
Agir rapidement pour la formation des futurs agents publics.
La titularisation immédiate des 800 000 précaires de la fonction publique, qui ne correspond qu’à un changement de statut des personnes concernées, est découplée de cette proposition. Cette titularisation devra se faire sur concours réservé. Cette mesure de titularisation asséchera brutalement le vivier de candidat sur les concours « normaux » (externes). Il est donc urgent, pour permettre l’accroissement de 1million de postes sur 5ans, d’engager une politique volontariste de formation aux différents métiers proposés.
Cette action publique permettrait d’enrayer le processus de baisse du niveau moyen de formation constatée ces dernières années, en particulier dans les cursus scientifiques, dont une large part s’explique par l’absence de débouchés dans le secteur public.
[1] Les comparaisons internationales citées ici sont issues de la synthèse du Centre d’Analyse Stratégique de décembre 2010 intitulée « Tableau de bord de l’emploi public, situation de la Frane et Comparaisons internationales, Amélie Barbier-Gauchard, Annick Guilloux, Marie-Françoise Le Guilly », disponible sur http://www.strategie.gouv.fr/content/tableau-de-bord-de-l%E2%80%99emploi-public-situation-de-la-france-et-comparaisons-internationales
[2] En 2112, il y avait 1,1675 millions d’enseignants et personnels administratif, technique, encadrement et éducation, dont 919 966 enseignants (78,8%) répartis comme suit : 370 000 dans le premier degré, 480 000 dans le 2nd degré, 70 300 dans le supérieur. Il y avait également 247500 personnels administratif, technique, encadrement et éducation, dont 68 800 aides éducateurs et assistants d’éducation (source : http://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html)
[3] Thomas Piketty, étude de mars 2006 sur « l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français (http://media.education.gouv.fr/file/48/4/2484.pdfsur); et plus loin de nous, l’enquête STAR réalisée à partir de 1985 dans le Tennesse, auprès de 11600 élèves (http://www.princeton.edu/futureofchildren/publications/docs/05_02_08.pdf)
[4] Cf ; Note de la Fondation Copernic sur la dépendance
[5] http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=nattef06103
[6] 76 000 postes dans la Justice actuellement selon http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05309, soit plus de 300 000 créations de postes ?